Cela fait maintenant un mois que je suis rentré de Corée, c’est pourquoi il fallait absolument que je prenne le temps d’écrire avant que mes souvenirs ne s’évanouissent. En fait, alors même que j’étais en plein dedans, ces moments me semblaient tellement oniriques, comme s’il n’avaient pas vraiment lieu. Me les remémorer aujourd’hui, c’est un peu comme les ancrer dans la réalité. C’est pourquoi je vais vous relater les aventures d’un luthier à Séoul, surtout pour ceux qui n’ont pas suivi mes « stories » sur Instagram.
Les aventures d’un luthier à Séoul
Comment appeler ça autrement qu’une aventure : à vrai dire je ne sais pas. Tout m’a paru hallucinant dans cette ville, et ce dès mon arrivée ! L’ambiance générale, l’effervescence, l’immensité… rien de tout cela ne me paraissait semblable à ce que je connaissais… Un autre monde comparé à Strasbourg.
J’ai eu la chance d’être accueilli à l’aéroport par un marchand d’instrument de Seocho. Vous savez, ce fameux quartier où les ateliers de lutherie et magasins de violon se concentrent. Il avait tellement insisté pour venir me chercher, bien que nous ne nous soyons vu que brièvement dans le passé, que j’avais accepté. Je n’avais à ce moment là pas encore réalisé à quel point les coréens étaient accueillants. De plus, je ne mesurais pas encore cette profonde envie de laisser un bon souvenir à chaque visiteur qu’ils possédaient.
À peine arrivé dans mon appartement, je ressens déjà le décalage horaire qui s’empare de mon corps. Comme un saut de sept heures dans le temps, je me retrouvais un peu comme un matin de réveillon. Je ne comprenais rien à ce qui se passait autour de moi (j’exagère un peu), tout était écrit dans une langue qui me semblait inaccessible et la moindre instruction était difficile à suivre. Mais il fallait pourtant que je m’active, mes valises à peine posées, je prends une douche et me précipite à l’extérieur.
Et là, c’est un véritable dépaysement !
Une ville immense et intense
Comme on peut s’y attendre d’une grande métropole, c’est une véritable fourmilière qui jamais ne cesse de s’activer. À toute heure du jour et de la nuit, les cycles s’enchaînent de manière continus. Ainsi, aucun problème ne se pose lorsque vous devez aller au magasin ou trouver quelque chose à manger en plein milieu de la nuit. D’ailleurs, c’est vrai qu’en parlant d’activité, tout le monde semble en avoir une et la dynamique de travail semble être tellement différente de celle en France.
Un peu de géographie
Pour se rendre compte de ce qu’est la République de Corée, nous pouvons comparer avec la France. Déjà, en terme de territoire, c’est 6 fois moins grand que la France. C’est ainsi que traverser le pays de part en part revient à peu près à faire un Strasbourg-Dijon.
En même temps, il y a un peu plus de 50 millions d’habitants dans le pays, la densité est donc beaucoup plus importante. Et environ 40% de la population vit à Séoul. Autant dire que cela fait beaucoup de monde au même endroit !
Pourtant je n’ai été étouffé, même si prendre le métro à l’heure de pointe avec un instrument est clairement une expérience de l’extrême.
Focus sur Seocho
Que ferait un luthier à Séoul sans se rendre à Seocho ? Il s’agit d’un quartier au sud de la ville qui regorge de luthiers et magasins de musique, notamment pour les instruments à cordes frottées. Ce qui est impressionnant, c’est l’énorme concentration de ces professionnels dans un quartier qui n’est finalement pas si grand. Selon les estimations de mes confrères, entre 150 et 300 entreprises se trouvent ici… Autant dire que la compétition est rude et sans pitié.
Située non loin du « conservatoire » le plus renommé pour l’apprentissage de la musique et tout à côté du Centre des Arts de Séoul. L’artère principal ne comporte que des magasins de luxe et de voitures européennes, toutefois c’est en s’enfonçant dans les ruelles que l’on se rend compte du choix impressionnant d’instrument qui nous est proposé.
Nous pouvons tout y trouver, pour peu que nous sachions où chercher. Cela va de l’instrument chinois très abordable à au violon de très grande qualité, fabriqués autrefois ou de nos jours en Europe mais aussi en Corée. En effet, la Corée regorge d’excellents luthiers et archetiers, certains d’entre eux se sont même illustrés lors de compétitions internationales en raflant les médailles d’or.
J’ai passé des moments très riches en partage dans les ateliers de Séoul. Auprès de toutes ces personnes, que j’avais connu dans le passé ou que j’ai découvert, j’ai pu appréhender ce qu’était le marché de la musique en Corée et plus particulièrement dans la capitale. Et j’ai réalisé que c’était complètement différent de ce que nous possédions en France.
Les cordes
Pour prendre l’exemple le plus frappant, les cordes. Celles-ci sont très abordables. En fait, elles sont considérées comme un service et les prix sont sensiblement plus bas qu’en Europe (l’autre raison est que la TVA est deux fois moins importante à un taux de 10%), c’est pourquoi vous trouverez certaines références très connues comme Dominant ou Evah Pirazzi.
J’ai également remarqué le marché est une vrai jungle, en fait, presque tous les magasins, aussi petit soient-ils, sont à la fois importateur, distributeurs et revendeurs. Chacun d’entre eux se lance alors dans une quête perpétuelle à l’avantage sur ses concurrents grâce aux exclusivités ramenées d’Europe ou des Etats-Unis. Ainsi, j’ai eu droit à quelques propositions presque choquantes qui visaient à utiliser mon nom et mon image afin de vendre des produits fabriqués en Chine… Ce qui m’a fait prendre conscience de certaines réalités qui semblent franchement éloignées de mon quotidien. Tout en me forçant à prendre le plus rapidement possible un rendez-vous à l’INPI !
Les reméchages
Je vous parlais précédemment des cordes, ou des autres produits d’importation qui pouvait être relativement abordable. Toutefois, comme ils ne se font pas beaucoup de marge sur les vente, ils doivent bien gagner leur vie d’une autre façon. C’est là qu’intervient le revers de la médaille. Le service à Seocho vous reviendra beaucoup plus cher, notamment si vous faites installer les cordes que vous venez d’acheter… Ou pour un reméchage par exemple qui est deux à trois plus cher qu’en France.
Après tout, nous sommes finalement au pays de l’archet et de la baguette !
Découverte de la Corée par la nourriture
Dès le premier jour, je découvre la véritable passion qui anime chaque coréen : la nourriture. Chacun de mes hôtes a redoublé d’efforts pour me faire découvrir les saveurs locales. Bien que de nombreux mets puissent sembler exotiques pour nous, européens, une chose est sûre, la saveur, les couleurs et la convivialité sont à toutes les tables.
Si certains pensaient sans doute pouvoir me dégoutter avec des spécialités « effrayantes ». J’ai toutefois goûté avec délectation à tous ces mets colorés, goûtus et animés !
Voici une galerie colorée qui me permettra de partager mes tablées avec vous.
Le retour d’un luthier à Séoul
Bien évidemment, le retour à la vie quotidienne après une expérience aussi incroyable ne se fait pas facilement. Il m’a fallu rattraper tout le retard qui s’est accumulé en mon absence et gérer les problèmes qui s’amoncellent inlassablement au fil du temps.
Toutefois, c’est avec nostalgie que je compile mes souvenirs avec vous sur ces quelques lignes. Pour être honnête, il me tarde déjà de retourner au pays du matin frais. C’est pourquoi je vous annonce dès aujourd’hui que je prépare activement mes projets qui auront de nouveau lieu en 2020.
Alors à très bientôt mes chers coréens, autour d’un barbecue et de quelques verre de soju.