À force de proposer de nouveaux outils aux musiciens, je me suis de toute évidence retrouvé à accumuler une certaine expérience sur des matériaux qui sortent de l’ordinaire. C’est pourquoi j’aimerais maintenant partager avec vous celle qui concerne le reméchage avec le crin synthétique. En fait, c’est surtout que l’on me pose beaucoup de questions à propos du crin Coruss et je voulais profiter de cette occasion pour tout synthétiser. J’espère que cela vous donnera quelques clefs pour mieux comprendre le matériau et réussir à remécher un archet Coruss.
Remécher un archet Coruss
Premièrement, l’objectif de cet article n’est pas de vous apprendre à remécher un archet. Vous pourrez peut-être comprendre un peu mieux comment cela se passe, mais je ne m’attarderai pas sur les détails purement techniques. En fait, je vais me concentrer sur les choses qui font la spécificité du crin Coruss ou plutôt ce qui le rend différent du crin naturel dans un cadre purement technique tel que celui du reméchage.
Qu’est-ce que le crin synthétique Coruss ?
Peut-être n’en avez-vous jamais entendu parler, et c’est tout à fait normal. Cela reste encore un produit assez confidentiel. Je vous invite à lire quelques articles connexes qui vous permettront d’en apprendre plus sur cette fibre qui est développée et produite en France afin de proposer une alternative aux crins naturels. Ils apportent des options très intéressantes pour les musiciens que vous découvrirez à travers ces pages.
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Les différences entre le crin synthétique et naturel
Tout d’abord il y a des différences purement chimiques et physiques qui font que ces deux matériaux sont très différents. Bien sûr, l’un a été créé par la nature sur une longue période de temps, et l’autre a été conçu entièrement par l’homme et ses machines. C’est donc pour cela que que je vais donc dire que le premier est « imparfait » et l’autre est théoriquement « parfait ».
J’imagine aisément que vous allez me demander pourquoi un produit théoriquement « parfait » pourrait poser problème. En fait, ce n’est pas forcément le nouveau matériau qui pose problème mais plutôt l’archèterie traditionnelle qui s’est parfaitement adapté à cette « non-perfection » depuis des lustres. C’est pourquoi il y a un léger travail d’adaptation à réaliser et je vais vous présenter ci-dessous les principales différences.
L’élasticité
Premier avantage du crin Coruss, il est ultra-stable. C’est à dire qu’une fois qu’il a été installé et a été mis sous tension quelque temps : il ne bouge plus. C’est à dire que peu importe si vous l’imbibez d’eau, il ne s’étendra pas, de même, le passer à la flamme a très peu d’effet et il n’est pas vraiment possible d’équilibrer une mèche de cette façon. En fait, cet atout peut se révéler être inconvénient car il impose de réaliser un reméchage bien plus précis.
C’est une différence fondamentale qu’il faudra absolument considérer lors du changement de mèche et je vous donnerai plus loin quelques astuces qui pourront vous aider.
L’épaisseur
C’est une donnée qui peut nous échapper dans un premier temps mais le crin naturel n’est pas d’un diamètre constant dans sa longueur. En fait le crin le plus vieux est plus fin que celui qui est jeune. Concrètement, cela signifie que du côté de la hausse l’espace occupé par la mèche est plus importante que celui à la tête. Il ne faut pas oublier que les archetiers, qui ont toujours fonctionné avec ces critères en tête, ont réalisé des hausses et des mortaises de têtes avec ces ratios de réduction.
En fait, le véritable problème vient là aussi d’un avantage du crin Coruss, il ne possède pas les défauts que la vieillesse et l’usure imposent au crin naturel. C’est pourquoi son épaisseur est parfaitement constante sur toute sa longueur. Ce qui a finalement pour effet de rendre un peu problématique une adaptation parfaite aux archets traditionnels.
- Si la quantité de crin est parfaite à la tête, il manquera du crin à la hausse.
- Si la quantité de crin est parfaite à la hausse, il y aura trop de crin à la tête. Celui-ci sera donc mal réparti et n’offrira plus un surface de contact plate à la pointe.
Toutefois, il y a là aussi des solutions que je vous expliquerai plus bas.
Le reméchage en crin Coruss
Voici les différentes étapes à réaliser pour remécher un archet Coruss.
La sélection du crin pour remécher un archet Coruss
Tout d’abord, en comparaison avec le crin naturel, vous êtes toujours certain d’avoir une qualité constante. C’est pourquoi vous n’aurez pas à trier vos crin, tout est propre à l’usage. Par contre, il faudra faire très attention à la quantité que vous allez utiliser.
Que vous mesuriez votre quantité en poids ou en épaisseur (voire même à l’unité pour les plus fervents) il faudra bien prendre en compte que les caractéristique des deux crins sont différentes.
- Premièrement le crin synthétique est plus résistant à la tension que le crin naturel. Il est donc possible d’utiliser une quantité moindre pour arriver à une même tension de la baguette.
- Ensuite, si vous avez l’habitude de calculer au poids sachez que la masse linéique des deux matériaux n’est pas forcément équivalente. En fait, c’est aussi la même chose si vous calculez par unité de crin, car un crin synthétique constant se situe à une épaisseur intermédiaire entre le crin de hausse et celui de tête.
- Enfin, il faudra se débrouiller pour trouver la bonne quantité de crin à installer sur la mèche pour que la mèche soit assez large et uniforme.
Comment mesurer la quantité de crin ?
Pour se faire, j’utilise simplement un calibre à mèche qui me permet d’estimer une épaisseur de ruban. En comparant celui-ci à la mortaise et à la hausse, je peux estimer une épaisseur idéale qui se trouve à peu près entre les deux.
Ensuite ce n’est qu’une question d’adaptation en fonction de ce que l’on a vraiment besoin. Il est possible d’en enlever un peu à ce moment là afin de moins forcer sur le cambre des archets les moins rigides. Il faudra dans ce cas préciser compenser avec la cale de répartition.
Comment réaliser la ligature ?
La réalisation de la ligature est très similaire à celle du crin naturel sur la fibre Coruss. Il suffit simplement de la nouer comme d’habitude. Par contre, la réalisation du « champignon » est beaucoup plus évidente. Il suffit de faire fondre les brins dépassant du nœud en le passant à la flamme.
L’exposition à la flamme fera fondre et fusionner tous les crins synthétiques entre eux. Ceci va rajouter une protection supplémentaire qui va totalement immobiliser le nœud et éviter toute déperdition de brins dans le futur.
Que ce soit dans la hausse ou à la tête, la ligature est la même. Mais j’approfondirai plus loin sur les détails.
La répartition du crin pour remécher un archet Coruss
Le crin synthétique Coruss se répartit comme le crin naturel. La seule différence sera toutefois que celui-ci sera sensiblement plus fin. C’est pourquoi devra assurer une excellente répartition du ruban malgré le manque d’épaisseur. Rien de bien compliqué mais il faudra tout de même prendre en compte que celui-ci risque de se rétrécir si la cale n’est pas assez compressée. Par contre, il faut faire attention de ne pas forcer des pièces de bois qui pourraient déformer le passant.
Mesurer la longueur du crin
Le crin synthétique Coruss doit impérativement être installé court. En effet celui-ci aura toujours tendance à s’étirer lors des premières mises sous tension. En outre et contrairement au crin naturel, il ne pourra être passé à la flamme ou à l’eau afin d’homogénéiser sa tension. C’est pourquoi il faudra être très vigilant
Mettre en tension
Lors des premières minutes de mise sous tension, les fibres vont s’étendre très légèrement avant de devenir entièrement stable. C’est pourquoi pour s’assurer que la mèche soit positionnée correctement, il est préférable de vérifier que tout se stabilise bien avant de faire la vérification. Si ce n’est pas le cas, il est toujours possible d’effectuer une rectification en modifiant la cale de tête.
Pour effectuer cette mise sous tension, il est possible de jouer l’archet normalement. Toutefois, si vous n’avez pas le temps il est aussi possible de tendre la baguette.
Adapter la cale de tête
Les réglages fins doivent se faire en modifiant la cale de tête. Il y a en fait plusieurs éléments sur lesquels il est possible d’agir pour effectuer des ajustements :
- La forme de la semelle : la surface de contact entre le départ de la mèche et la semelle de la cale influence la répartition de la tension. Arrondie ou plate, symétrique ou asymétrique, il est possible de jouer avec ces paramètres pour ajuster finement la répartition latérale de la tension sur le ruban de fibre.
- L’épaisseur de la cale : Pour ajuster très légèrement la longueur de la mèche, il est toujours possible de jouer sur l’épaisseur de la cale. La réduire permettra de détendre très légèrement la tension. En revanche, pour l’augmenter, il faudra faire une nouvelle cale. Sans compter que la mortaise devra être assez profonde.
Apprendre à remécher un archet Coruss
Comme pour le reméchage avec le crin traditionnel, il faut un peu de pratique avant de vraiment prendre le pli. Toutefois j’espère que ces quelques informations vous permettront de mieux comprendre ce produit et ses possibilités. C’est à mon avis une expérience intéressante car elle est un peu plus technique que la méthode traditionnelle. Elle demande de travailler sa technique et d’être beaucoup plus rigoureux. Ainsi le placement des cales et du crin semblera beaucoup plus simple une fois de retour dans un territoire connu.
Si vous avez des questions, n’hésitez bien sûr pas à les poser dans les commentaires.
Faire remécher un archet Coruss
Si vous souhaitez découvrir ce nouveau crin synthétique, pourquoi ne pas faire installer une mèche sur votre archet ? Je vous propose de le faire même à distance. De plus si vous voyez un archet pour violon, ou un archet de violoncelle qui vous plaît dans ma boutique en ligne, je peux aussi effectuer le changement de mèche avant de vous l’envoyer.