Tout d’abord, il faut savoir qu’une corde de bonne qualité a très peu de points faibles. C’est encore plus vrai lorsqu’elles sont en métal. Toutefois, il n’est jamais impossible que des problèmes de casse surviennent. Ceux-ci sont en fait le plus souvent créés par le musicien lui-même, son instrument ou ses accessoires. Je vais à présent vous parler d’un de ces défauts qui est en fait LA faiblesse des cordes synthétiques (avec des lettres capitales) : la boule qui sert d’attache au cordier.
Avant de commencer, je préfère annoncer que la faiblesse des cordes synthétiques que je mentionne dans cet article n’a rien à voir avec la longévité, la sonorité ou les performances d’utilisation.
La faiblesse des cordes synthétiques
Parmi les différents types de cordes (boyau, métal et synthétique), chacune d’entre elle possède ses avantages et ses inconvénients. Le sujet de cet article est d’évoquer un défaut structurel que possèdent toutes les cordes synthétiques. Celui-ci peut poser un problème évident dès l’installation : la rupture de celle-ci au niveau du cordier. En fait, cette rupture est un problème qui peut se révéler fréquent, et cela dès l’installation de la corde, avant même d’avoir atteint sa tension de jeu.
C’est un problème qui est très simple à éviter, c’est pourquoi je vais en parler en détail ici afin que vous puissiez le comprendre et vous en prémunir.
La cause de la faiblesse des cordes synthétiques
En fait, les cordes synthétiques n’ont pas de faiblesses à proprement parler, elles ont peut-être même moins de défauts que leurs semblables métalliques ou organiques. Toutefois, leur point faible est révélé par des interventions externes, notamment celle des ajusteurs fins qui permettent plus de précision lors de l’accordage de votre violon, alto ou violoncelle.
Ce type d’accessoires a vu le jour au début du XXe siècle avec l’invention des cordes de violon en métal. Avant cela, il n’y avait quasiment que des cordes à base de boyau qui étaient utilisées. La tension et la hauteur des cordes ne se contrôlaient qu’à l’aide des chevilles.
Les cordes en métal quant à elles avaient une tension beaucoup plus importante, et étaient beaucoup moins souples dans leur longueur. Il en résulte un changement de hauteur beaucoup plus important avec le moindre mouvement des chevilles. D’autre part la force demandée pour arriver à un tel accordage est aussi plus importante, ce qui entrave beaucoup la précision. C’est pourquoi ces deux facteurs réunis rendent la manœuvre très difficile, voire impossible dans certains cas.
C’est alors que commencèrent à apparaître les ajusteurs fins (aussi appelés tendeurs) dans toute leur diversité.
Les défauts des ajusteurs fins
Avant toute chose, il est bon de rappeler que les ajusteurs fins possèdent quelques défauts qui vont dans tous les cas impacter la sonorité de votre instrument.
- Premièrement une longueur non-vibrante inférieure entre le chevalet et le cordier. Ce qui peut poser des problèmes de vibrations. Dans certains cas la soie de la corde recouvre même le chevalet, ce qui n’est pas sans causer d’atroces problèmes…
- Comme cela rajoute une interface et du poids entre la corde et le cordier, il y a une modification significative de la vibration et de sa transmission.
- D’autre part, ils sont aussi une des principales causes de dégâts sur les tables de violons, parfois accidentels lorsque le chevalet tombe, mais parfois simplement en raison de la forme de la voûte ou d’un cordier trop bas.
Malgré tous ces désavantages certains musiciens n’hésitent pas à les installer sur toutes les cordes. Mais à vrai dire, ces mécanismes n’ont en fait jamais été pensés pour être installés sur des cordes de nouvelle génération. Ce sont en fait les vestiges d’une période révolue dont nous avons gardé des habitudes. Et c’est en cela que se révèle la faiblesse des cordes synthétiques.
Le fléau du filament synthétique
Tout d’abord, ces ajusteurs en métal ont souvent des arêtes extrêmement saillantes voire tranchantes car elles ne sont pas ébavurées, et sont comme les morfils d’une lame de couteau. En outre, il y a en tout cas trois facteurs qui peuvent causer la mort prématurée d’une corde.
Moins de filament à l’attache du cordier
Premièrement, la résistance d’une corde est tout simplement divisée par deux autour de son attache. Il s’agit d’un principe commun à toutes les cordes synthétiques du marché. Le filament qui parcourt la corde mesure en fait deux fois la longueur totale de la corde. Celui-ci est ensuite replié sur lui même au niveau de l’attache avant de retourner vers la cheville. En fait, cela produit une double épaisseur partout sauf au niveau de l’attache. Comme il y a deux fois moins de filaments à cet endroit, cela devient le talon d’Achille de la corde.
Une tension déséquilibrée
Chaque sillet (sur le cordier ou juste avant le chevillier) ou chevalet sur lequel repose la corde génère une friction qui empêche la corde de distribuer correctement sa tension sur toute sa longueur. L’intensité de cette friction est étroitement liée à l’état des passages de cordes. Les conditions deviennent pires lorsque les passages sont trop étroits, profonds ou manquent de lubrification. De ce fait, lorsque que l’on tend la corde depuis le cordier, la tension de la corde entre le chevalet et le cordier deviendra supérieure à celle que son constructeur indique.
Il se produit la même chose lorsque nous tendons la corde avec les chevilles. Néanmoins, si nous n’oublions pas le premier point que nous avons abordé, la corde est au moins deux fois plus résistante au niveau de la cheville qu’au cordier.
Des rasoirs à cordes
Bien sûr, il ne faut pas oublier que le métal peut simplement sectionner la corde… Je l’avais déjà mentionné plus haut.
Qu’en est-il concrètement ?
Evidemment, même une corde synthétique peut survivre à l’installation sur un tendeur en métal. En fait le résultat va souvent dépendre de la position exacte de chaque élément. En outre, la moindre variation d’un dixième de millimètre peut avoir une énorme incidence.
C’est pourquoi beaucoup de musiciens vont affirmer qu’ils ont déjà eu recours à ce genre de pratique. Allant même à affirmer que cela est sans risque puisqu’il ne leur est jamais rien arrivé. Mais en fait, c’est un peu comme la roulette russe, il est possible de jouer à de multiples reprises sans que rien n’arrive, mais cela pourrait aussi arriver dès la première installation. Il n’y a aucune régularité ni prédictibilité dans ce phénomène.
Quoi qu’il en soit, il vaut mieux adopter un montage approprié aux cordes synthétiques. En tout cas si l’on ne souhaite pas jouer à la roulette russe avec son violon et ses cordes.
Éviter la faiblesse des cordes synthétiques
En fait, c’est très simple, pour éviter de prendre des risques avec vos cordes, il suffit de ne pas utiliser de tendeurs sur toutes celles qui possèdent une âme synthétique.
Si vous jouez du violon, cela ne concernera pas toutes les cordes puisque le Mi est presque toujours en métal sur les configurations modernes. Vous pourrez donc sans problème opter pour un tendeur sur celle-ci. Si vous utilisez une corde de La en Métal (Warchal Russian Style, Warchal Avantgarde, Pirastro Wondertone Solo), vous pouvez également utiliser un tendeur sans risque.
Pour ce qui est des autres instruments, il faudra être plus vigilant afin d’éviter ce point faible des cordes synthétiques. Parce que toutes les cordes présentes sur l’alto peuvent être synthétiques. Il en va de même pour le violoncelle, même si l’emploi de ces cordes est beaucoup plus rare.
L’avis de Bohdan Warchal
Comme vous le savez sans doute, j’apprécie beaucoup le travail de la famille Warchal ainsi que leurs cordes. J’ai appris beaucoup de choses sur les cordes avec Bohdan Warchal et c’est pourquoi je voulais vous faire part de son avis sur la question. Voici ce qu’il dit à propos de son montage actuel et notamment de son cordier :
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J’avais à l’époque plusieurs violons à portée de main sur lesquels j’effectuais différents tests. Toutefois aujourd’hui je n’utilise plus qu’un seul violon pour effectuer ces tests. Je dois aussi admettre qu’il ne possède pas une installation idéale. En fait, je change très souvent de cordes pour mes essais et alterne régulièrement entre des cordes à âme métal et synthétique, notamment pour le La. Enfin, je ne prends pas toujours le temps d’adapter le montage.
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Toutefois, il y a deux différences significatives entre moi et la plupart des musiciens qui utilisent mes cordes. Premièrement, j’ai arrêté ma carrière professionnelle pour pouvoir me consacrer uniquement à la recherche et au développement des cordes. En plus, j’ai un accès à une très importante quantité de cordes dans l’éventualité où l’une d’entre elles devait rompre.
Quoi qu’il en soit, je n’oserais jamais monter sur scène en utilisant le montage que vous pouvez voir. Peu importe la marque ou le modèle de corde que j’utilise en tant que violoniste. Ce serait beaucoup trop de risques.
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