La fabrication d’un violon, d’un alto ou d’un violoncelle nécessite des dizaines d’heures de travail. Entre les mains du maître, les planches d’érable et d’épicéa prennent peu à peu forme sous les passages répétés de ses outils. Un travail de précision dont toutes les formes, les épaisseurs et les matériaux vont définir la qualité du résultat. Vous vous êtes sûrement demandé ce qui faisait la qualité d’un instrument fabriqué par un luthier, mais aussi pourquoi chacun d’entre eux est unique. C’est pourquoi nous allons donc voir comment le luthier sculpte le son et qu’est-ce qui influence la réussite finale.
Comment le luthier sculpte le son avec ses mains
Le violon possède une forme facilement identifiable par le plus néophyte des musiciens. Pourtant, il est délicat d’en saisir toutes les différentes subtilités (longueurs, largeurs et tracés des différentes courbes) sans avoir un œil averti. C’est en fait ce qui les rend unique, car un peu à la façon des êtres humains, il y en aura des petits, des grands, des trapus, des maigres. Dans toute leur diversité, appréciable subjectivement en terme de beauté physique (en fonction de leurs atouts), s’ajoutera aussi une personnalité sonore. Ce timbre va être défini par de nombreux facteurs qui auront une répercussion sur l’acoustique et contrairement cette fois-ci à l’être humain, elle dépendra directement de sa morphologie.
Voici donc les six principaux facteurs que va contrôler le luthier pour littéralement sculpter le son.
Le modèle
La forme du violon aurait été mise au point par Andrea Amati au XVIe siècle. Elle semble avoir très peu évolué depuis, pourtant des infimes modifications ont entraîné de grandes répercussions sur le son.
Le luthier, en Grand Architecte, va modeler ses créations non pas à son image mais en fonction de ce qu’il juge donner de bons résultats. Le premier choix et sûrement le plus important sera donc de choisir un modèle. Il y a bien sûr d’infinies possibilités mais il optera le plus souvent pour celles dont la bonne sonorité a été prouvée.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle beaucoup de violons (les meilleurs comme les pires!) portent la mention de « D’après Antonio Stradivari » ou « Copie de Del Gesù« . Ces instruments sont non seulement reconnus pour leur qualité sonore, mais ce sont en plus des signatures qui font fantasmer les musiciens du monde entier.
Par contre, il ne suffit pas de les copier pour arriver à un résultat satisfaisant. C’est en tout cas un très bon point de départ.
En définissant la forme des contours de la caisse de résonance avec le musicien, l’artisan pourra définir les grandes lignes sur lesquelles vont reposer les fondations du son. Chaque étape qui va suivre devra prendre en compte cette décision initiale.
Les voûtes
Le second facteur le plus important est directement relié au modèle et implique l’entrée de cette forme dans le monde tri-dimensionnel en façonnant la table et le fond. La formation précise des voûtes a un effet très puissant sur le type de son que va produire l’instrument. Celles-ci illustrent exactement comment le luthier sculpte le son car chaque coup d’outil va influencer directement la façon dont l’instrument va réagir.
Les types de voûtes
Voici une description de différents types de voûtes qui sont à vrai dire assez caricaturales. Elles permettront néanmoins d’en cerner les grandes lignes
- Haute et large : un son profond et plutôt sombre, tel l’alto.
- Haute et pincée : une mise en avant des aigus qui donne une bonne clarté et réponse
- Plate : une grande puissance et une projection
Le choix des essences
Bien qu’il n’y ait que deux essences (épicéa et érable) qui soient réellement considérées pour la fabrication des instruments du quatuor. Il y a néanmoins d’énormes différences de qualité entre deux pièces de ces mêmes espèces. Bien sûr, elles peuvent être de mauvaise qualité, mais il sera plutôt question ici de différence de structure, de densité et de coupe.
La densité et sa structure interne peuvent varier, même au sein de la même planche. Mais de manière générale d’un bois léger va résulter une sonorité plus riche mais étouffée. Alors que les bois plus denses donnent un résultat plus « cuivré », avec un côté froid mais puissant. Le choix du modèle et le travail précis des voûtes et des épaisseurs vont pouvoir contrebalancer la nature du bois. C’est pourquoi il n’est qu’en troisième position.
On retrouve parfois d’autres essences pour les fonds et éclisses. Elles possèdent une signature sonore différente et l’utilisation de peuplier, saule, hêtre ou d’autres bois denses ont pu produire de très bons altos et violoncelles.
La coupe
En outre, la coupe du bois a une importance primordiale dans la façon dont il va vibrer. Les meilleurs instruments ont toujours une coupe parfaite, ce qui leur permet non seulement de donner une superbe apparence, mais aussi une solidité optimale. D’autre part, il y aura aussi des effets sur le son :
- Les fonds de quartier qui sont généralement en deux pièces sont structurellement plus rigides et offrent un son plus clair.
- Ensuite, il y a les fonds sur dosse qui sont eux d’une seule pièce dans la plupart des cas. Ils ont pour caractéristique d’être plus élastique, ce qui donne un son plus complexe et diffus.
L’attention au travail du bois
Le travail du bois est l’élément clef dans le façonnage du son. Une différence de plus ou moins un dixième de millimètre peut être tout ce qui sépare la réussite de l’échec. Il est surtout important pour le luthier de prendre en compte les facteurs précédents pour réaliser les épaisseurs. Les voûtes, la densité et la flexibilité du bois vont avoir un impact direct sur la matière à enlever. C’est à ce moment qu’un équilibre fragile est mis en place et l’expérience (ou certaines machines) nous aident à savoir quand ne pas dépasser la limite.
Le savoir-faire, la technologie ou le ressenti vont dicter comment le luthier sculpte le son. Après tout, il s’agit à la fois d’une prouesse technique et d’une oeuvre d’art.
Le vernis
Le vernis est un des derniers éléments qui rentre en compte dans la création du son. En fait, on pourrait même dire qu’il n’a que des effets négatifs sur le son. Car moins il y en a, plus l’instrument sera libre de vibrer.
Cependant, le plus important est de minimiser l’impact de celui-ci sur la vibration. Il doit idéalement l’étouffer le moins possible. C’est pour cela que le bois doit être préparé au mieux pour empêcher le vernis de pénétrer dans les pores. Ce qui tuerait littéralement la vibration naturelle du bois.
De plus, le vernis doit être assez souple et élastique, de manière à se mouvoir avec le bois plutôt que de l’enfermer dans une carapace.
Le montage
Le montage et les réglages arrivent en dernier de cette liste même si paradoxalement ce sont les plus importants. Ils peuvent être changés et altérés bien plus facilement que le reste de l’instrument. Je dirais même que c’est une obligation car rien n’est vraiment figé dans le temps. Ce processus est une recherche perpétuelle et c’est ce qui en fait toute la beauté (mais aussi le supplice).
L’idée principale est de trouver le bon équilibre entre toutes les pièces qui vont créer la vibration. Elles pourront alors interagir les unes avec les autres pour s’exprimer au mieux. C’est un travail des plus exigeant. Mais c’est aussi le plus gratifiant lorsque la sonorité dessine un sourire satisfait sur le visage du musicien.
Comment le luthier sculpte le son avec le musicien
Si vous êtes musicien, vous savez quelle sonorité vous recherchez, c’est pourquoi vous êtes la personne qui en a la meilleure idée. La quête du son idéal est sans doute une route pénible par bien des aspects. Elle peut être longue, frustrante et coûteuse mais sachez cependant que vous n’êtes jamais seul à la parcourir. Comme vous de nombreuses personnes sont à la recherche de réponses au quotidien. Certaines d’entre elles y dédient même leur existence, c’est le cas de nombreux musiciens, luthiers, scientifiques, tous passionnés.
Vous avez la vision du son que vous voulez, mais ne savez pas comment y parvenir ? Devriez-vous plutôt choisir un nouvel instrument ? Vous le faire fabriquer sur mesure ? Vous pourriez aussi choisir de faire modifier certains composant actuels de votre violon, alto ou de votre violoncelle pour découvrir de nouveaux horizons sonores.
Pourquoi ne pas tout simplement aller poser la question à votre luthier ? Vous vous rendrez sûrement rapidement compte que c’est un partenaire de premier choix pour la sculpture de votre son.