L’âme du violon, de l’alto ou du violoncelle est une pièce essentielle dans la propagation du son. Elle est également un élément qui garantit la stabilité de la voûte face au poids des cordes. Pourtant, bien à l’abri des regards dans les entrailles de l’instrument, elle n’apparaît pas forcément aux yeux de tous. C’est pourquoi je voulais dans cet article faire la lumière sur ce morceau de bois d’une extrême importance.
Qu’est-ce que l’âme du violon
Avant tout, l’âme du violon est une fine baguette d’épicéa qui se trouve coincée entre la table d’harmonie et le fond. En fait, cela signifie qu’elle n’est pas collée mais parfaitement ajustée et glissée en passant à travers les ouïes. Elle se dresse verticalement à un point bien précis et représente en fait l’origine de la vibration de la table. Sa position et son inclinaison son déterminante pour le son autant que pour l’équilibre de la structure. D’ailleurs, le contact entre ses deux extrémités et les surfaces internes de l’instrument doivent aussi être impeccable pour assurer la plus grande transmission et stabilité.
Sans âme, l’instrument devient fragile, autant dans la structure que dans le son. Si celle-ci venait à tomber, il faut immédiatement détendre les cordes et l’amener chez le luthier pour qu’il puisse la remettre en place.
Ajustement de l’âme du violon
Le luthier taille et positionne lui-même l’âme du violon dans chaque instrument. Chacune d’entre elle doit être taillée selon des critères bien précis pour donner les meilleurs résultats sonores et structurels. C’est une opération précise et délicate dans laquelle l’artisan met à contribution toute son expérience. Il utilise non seulement des matériaux rigoureusement sélectionnés mais aussi des outils spéciaux.
La sélection du bois de l’âme du violon
La sélection du bois qui constitue l’âme est d’une importance capitale. Premièrement, le luthier choisit un bois bien sec, exempt de défauts et aux lignes régulières. Ainsi, les vibrations sont bien transmises entre la table et le fond, garantissant une sonorité optimale.
Ensuite, il faut choisir un diamètre pour la baguette. Celle-ci devra non seulement être assez fine pour passer à travers les ouïes mais également correspondre à l’orientation sonore que l’on veut donner à l’instrument. En effet, une baguette fine favorisera théoriquement les fréquences graves, alors qu’une plus épaisse filtrera d’avantage les fréquences et précisera le son. Mais la différence n’est en fait que de l’ordre de quelques millimètres.
Idéalement, ces baguettes sont travaillées à partir de bois d’épicéa fendu puis tourné au diamètre désiré afin de fournir une résistance et une transmission supérieures.
Ajustement et position de l’âme du violon
Une âme se taille sur mesure pour chaque violon, alto ou violoncelle. Celle-ci doit épouser parfaitement les surfaces de la table et du fond afin de garantir une adhérence et un support maximum. De même, elle doit être bien droite pour transférer avec efficacité toute la tension des cordes sur le fond de l’instrument. Il existe un positionnement standard, du côté des aiguës et un peu en retrait par rapport au chevalet. C’est à partir de ce point que l’on peut décider d’ajuster légèrement le positionnement et la tension.
Lorsque on parle de tension de l’âme, il s’agit de la force avec laquelle celle-ci est mise en place. Dans l’idéale, il faut une tension assez prononcée pour que l’âme reste en place, mais pas trop importante pour déformer les voûtes. Une trop courte n’aura pas assez de tension, et aura tendance à se déloger souvent. Une âme trop longue appliquera trop de tension sur les voûtes, pouvant endommager le bois voir même fracturer la table ou le fond.
D’ailleurs, pour contrôler si l’âme a été trop forcée dans votre instrument, il suffit de regarder la patte supérieure de l’ouïe du côté des aigus. Si vous voyez qu’elle est surélevée, c’est soit qu’elle est encore trop forcée aujourd’hui, soit qu’elle l’a été dans le passé et que la voûte a été déformée.
Pour ce qui est du positionnement, j’aime me représenter l’âme comme l’origine de la vibration. En fonction de sa position, le point d’origine de la vibration changera de même que le timbre. Ainsi, éloigner l’âme du chevalet renforcera le côté sombre de l’instrument, le rapprocher favorisera sa clarté. Mais cela reste de la théorie car en pratique, les surprises sont souvent au rendez-vous
Les outils pour travailler l’âme du violon
Le processus d’installation d’âme est difficile à cause de l’accès restreint, bien sûr, mais aussi par le manque de visibilité et de lumière. C’est pour ça que les luthiers ont mis au point et utilisent de nombreux outils qui ne sont utilisés que pour cette opération. Cependant, pour tailler la baguette, la plupart des luthiers ne se servent que d’un canif ou ciseau à bois particulièrement bien affûté.
La pointe-aux-âmes
C’est de loin l’outil le plus important car il est tout à fait impossible de mettre une âme en place à l’aide des doigts. Même dans les instruments les plus gros. De ce fait, il est obligatoire d’utiliser cet outil : la pointe-aux-âmes. Cet outil n’est utilisé que pour placer et ajuster une âme. le modèle pour violon est relativement petit, celui pour contrebasse est quant à lui énorme.
Celui-ci a deux fonctions très utiles pour la mise en place du cylindre en bois. Premièrement, grâce à son côté le plus pointu, il permet de piquer l’âme pour la manipuler à travers l’ouïe et la placer très précisément. Une fois en place, l’outil se désolidarise en exerçant une légère pression dessus.
De l’autre côté, on y trouve une forme très particulière. Ces griffes servent à ajuster l’âme à l’intérieur de l’instrument. On peut s’en servir comme marteau pour avancer ou reculer la baguette par rapport au chevalet. Mais on peut aussi tirer sur l’âme pour augmenter la tension appliquée à l’instrument.
Le comparateur de position
Cet outil très simple permet de localiser avec précision la position de l’âme. Bien qu’il existe certains modèles en métal, un simple bout de plastique ou de carton peut faire convenablement l’affaire. Une patte vient se plaquer contre l’âme à l’intérieur de l’instrument et la deuxième vient nous montrer sa position sur la surface externe.
Mesurer la taille d’une âme grâce au palpeur
Bien que sur un violon déjà préparé, il soit possible de déterminer approximativement la longueur d’une âme grâce à celle qui était précédemment installée. Cette estimation n’est pas aisée sans avoir d’élément de comparaison. C’est pour cela qu’il existe un outil très pratique : le palpeur.
Celui-ci se glisse simplement à travers l’ouïe et se place là où on désire positionner l’âme. On peut ajuster ensuite les deux pattes qui viennent palper les voûtes internes du violon, l’alto ou violoncelle. Une fois satisfait par la position, il suffit de verrouiller l’outil, le sortir et mesurer entre les deux extrémités. Il est coutume d’ajouter quelques millimètres supplémentaires à la baguette avant la découpe pour bien accompagner l’angle créé par les voûtes.
La pince à âmes
La pince à âme est un outil qui permet de récupérer facilement une âme tombée au fond d’un instrument. Il s’agit simplement une baguette fine dont l’extrémité est une pince à ressort. C’est une solution de confort, car cette opération s’effectue également avec la pointe-aux-âme mais le processus est néanmoins plus délicat.
Miroir de dentiste
Ce miroir permet au luthier d’observer l’intérieur de l’instrument à travers les ouïes. Il pourra ainsi scruter les moindres défauts de contact autour de l’âme.
Lorsque l’instrument est démonté, il est aussi possible d’enlever le bouton. Ce point d’observation est lui-aussi très intéressant car il permet d’avoir une vision sur la verticalité de la baguette. On peut alors vérifier la solidité de ses points d’appuis sur les deux voûtes.
Vérifier la position de l’âme du violon
Lorsqu’on est musicien, il faut de temps en temps vérifier le bon positionnement de l’âme du violon. En effet, lors du transport, même dans un très bon étui les chocs répétés sur de longues périodes peuvent déplacer la mise en place du luthier. L’âme peut parfois même se retrouver dans des positions improbables sans pour autant rouler au fond de l’instrument. Les risque de fractures ou de dégâts sur le bois sont alors beaucoup plus importants.
Pour vérifier vous même grossièrement la position de l’âme. Vous pouvez tout simplement tenir votre instrument dans vos mains par le manche et le bouton tout en observant à travers l’ouïe du côté des graves (il est plus facile de vérifier de ce côté là). Le cylindre ne sera jamais entièrement visible à cause de la finesse des ouvertures .
Mais si vous faites pivoter l’instrument en avant et en arrière de manière répétée. Le cerveau assemblera alors les images successives pour se donner une idée de l’ensemble. Vous pouvez alors comparer l’angle formé par l’âme à celui du chevalet ou d’un coin pour vérifier son bon positionnement.
Enfin, vous pouvez toujours vérifier par vous-même à l’aide d’un miroir de dentiste ainsi qu’un bon éclairage. Vous pourrez de cette manière voir si le contact est correct au niveau de la table et du fond.
Mais ensuite, il vous sera plutôt difficile d’agir vous même sans avoir les outils et l’expérience adéquate.
L’âme et le luthier
Passez de temps en temps chez le luthier pour faire vérifier le bon contact de l’âme à l’intérieur de votre instrument. Une âme vieillissante peut ne plus convenir à votre instrument car :
- Premièrement, le bois de la table ou du fond ont été compressés.
- La tension et l’hygrométrie changeante déforment les voûtes au fil du temps.
- Enfin les zones de contact peuvent s’arrondir à force des déplacements, manipulations et des mauvais positionnements.
En fait, faire installer une âme parfaitement taillée et positionnée pourrait permettre à votre instrument de s’exprimer au maximum de son potentiel.
Vous pouvez aussi prendre le temps d’effectuer des réglages d’âme avec l’artisan pour trouver la position qui vous plaira le plus. Toutefois, il faudra vous armer de patience, car explorer toutes les possibilités peut prendre beaucoup de temps.