Après avoir présenté, dans les grandes lignes, les avantages du travail à l’atelier (voir l’article Pourquoi intégrer une formation de lutherie en alternance ?), il est temps d’aborder l’autre versant du CAP de lutherie : les cours théoriques au centre de formation. La répartition entre ces deux pôles se déroule comme suit : environ deux à trois semaines à l’atelier pour une semaine en cours. A nouveau, je parlerai ici de mon expérience propre à la SEPR de Lyon, ne sachant pas s’il existe d’autres centres d’apprentissage de la lutherie en France.

 

Campus de la SEPR de Lyon

Le campus de la SEPR de Lyon – crédit photo sepr.edu

Un CAP “Métiers Rares”

Il faut d’abord bien rappeler qu’il n’existe pas à la SEPR de CAP Lutherie. Le métier de luthier est intégré au sein d’une classe dite des « Métiers Rares ». Pour l’année 2021-22, donc, dix-neuf élèves se côtoient malgré leurs apprentissages différents. On trouve une vitrailliste, deux luthiers guitare, un chapelier, un tailleur, deux tapissiers décorateurs, trois sellières, deux couturières, un brodeur, une relieuse…On pourrait techniquement aussi y voir des taxidermistes, des travailleurs du métal, des horlogers…La liste est très longue ! Ces artisanats rares sont ainsi regroupés pour ne former qu’une seule classe aux cours communs. La difficulté pour la SEPR est donc de trouver le moyen de garantir à chaque apprenti un suivi personnalisé et des contenus propres à chaque corps de métier. Cela signifie l’autonomie des élèves au sein d’un cours encadré – je donnerai un exemple plus loin –.

 

Le contenu des cours du CAP Lutherie

Pas de cours de lutherie à proprement parler, donc, théorique comme pratique. Voici les matières enseignées pour les dispensés (possédant un diplôme de niveau 3) :

Expression plastique et volume, un cours pour développer sa créativité à travers des projets personnels
Arts appliqués, pour acquérir les bases classiques de la perspective, des nuances de gris, des volumes, de la reproduction d’après nature…
Histoire de l’art, un cours très générique qui balaie l’histoire de l’art, de la préhistoire à nos jours, et histoire de l’art in situ : des visites au cœur de Lyon pour mettre en application ce qui est vu en cours
Histoire des styles, pour suivre l’évolution des productions propres à chaque métier
Technologie, un cours un peu plus pratique, où les luthiers peuvent par exemple exploiter l’atelier bois aux côtés des ébénistes de la SEPR et s’essayer à des techniques comme la découpe laser, la marqueterie, le vernis…
Gestion de l’entreprise et Communication
Prévention, santé et environnement
Anglais, car l’apprentissage d’une langue est souvent indispensable !
Sport

A ces matières s’ajoutent, pour les non-dispensés, un corpus de matières générales comme les mathématiques, le français ou l’histoire-géographie.

Mis à part en technologie, il n’y a pas cours à la SEPR consacré à l’exercice manuel du bois et de la lutherie.

L’intégralité de la formation pratique se fait à l’atelier. Dans l’ensemble, si vous détenez déjà un diplôme équivalent ou supérieur au Bac, les cours ne vous sembleront pas insurmontables ; et avec de la rigueur et du sérieux, tout devrait bien se passer, le tout étant comme dit plus haut d’être suffisamment autonome pendant les cours. En histoire des styles, par exemple, chaque étudiant consacre les heures de cours à des recherches personnelles sur l’histoire de l’objet qu’il travaille – pour le luthier, donc, le violon et plus largement les instruments du quatuor –.

Retrouvez certaines de ces informations sur le précédent article de M. Kessler “Se former à la lutherie par l’alternance”

 

Comment exploiter au mieux la formation proposée à la SEPR ?

Il peut paraître décevant qu’une semaine par mois se détache en partie de la lutherie même (alors qu’en école, tout se concentre sans cesse dessus), toutefois ce mode d’enseignement présente des avantages : d’une part, en se débrouillant bien, on peut consacrer cette semaine à de la théorie pure et de la recherche sur les instruments, par la lecture d’ouvrages, et au travers des matières tout juste évoquées plus haut, qui demandent à l’élève d’être responsable et indépendant dans son travail, tout en restant encadré par des professeurs à l’écoute.

D’autre part, les enseignements généraux comme l’histoire de l’art, la gestion de l’entreprise et l’anglais constituent une ouverture culturelle et un apport de connaissances supplémentaire qu’il serait dommage de négliger. Il en va de même pour le dessin et les arts appliqués ; tous ces cours sont l’occasion d’élargir le champ de ses savoirs et de réintégrer la lutherie au sein de dynamiques plus vastes, artistique (histoire de l’art), commerciale (gestion), internationale (anglais).

Les cours à la SEPR sont également le moyen de nouer des liens avec d’autres jeunes apprentis du monde de l’artisanat, certes pas forcément des luthiers, mais c’est là l’occasion de créer des projets qui dépassent les frontières de chaque corps de métier, pour mêler les matériaux, les techniques et stimuler sa créativité.

 

Se déplacer à Lyon : un avantage comme un inconvénient

Avec l’école à Lyon et l’atelier à Strasbourg, les trajets sont nombreux dans l’année. C’est là une des spécificités de la section « Métiers rares », tous les élèves ou presque viennent des quatre coins de la France, en train, en voiture ou en avion, et logent comme ils peuvent, qui chez la famille, qui dans une auberge de jeunesse, qui dans un Airbnb…Il ne faut pas avoir peur de naviguer entre deux villes tout au long de ces deux années. A nouveau, si cela peut paraître ennuyeux, cette situation a également ses bons côtés : changer d’air une fois par mois, découvrir et visiter deux nouvelles villes, avec chacune ses musées, ses monuments, ses parcs, est un véritable plus.

 

Une bourse de 500 euros allouée à chaque apprenti

C’est un autre plus du CAP : en tant qu’apprenti, il est possible de bénéficier de différentes aides qui peuvent s’avérer bien utiles. Parmi elles, une aide spécifiquement réservée à l’achat de matériel et d’outils, d’une hauteur de 500 euros. L’outillage du luthier est assez coûteux, mais il est nécessaire d’acquérir les outils de base dès le début de sa formation. Par l’entremise de la SEPR donc, on peut demander et obtenir du matériel et s’équiper pour bien commencer l’année. On pourrait aussi évoquer, entre autres, l’aide au permis de conduire à laquelle tout apprenti a droit.

 

Qu’en conclure ?

Comme toujours, c’est à chacun de trouver la voie qui lui convient. Le CAP Lutherie de Lyon présente autant d’avantages qu’une école : il possède ses propres atouts ; ses désavantages aussi. Les deux types de formations pourraient en fait être assez complémentaires, et il reste encore à voir si intégrer une école après un CAP est intéressant ou non.

 

Lire ou relire le premier article “Pourquoi intégrer une formation de lutherie en alternance ?”

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