Certaines questions me reviennent très souvent à propos de mon métier. Notamment celle-ci : « Quels bois utilise-t-on pour la fabrication de violons, violoncelles ou altos ? ». Je pourrais répondre en quelques mots puisque les bois de lutherie sont principalement : l’érable, l’épicéa et l’ébène. Néanmoins, je vais vous présenter tout cela en détail dans cet article.
Acheter du bois de lutherie
Avant tout, si vous êtes ici pour trouver du bois de lutherie pour fabriquer votre instrument, c’est possible. Il suffit pour cela de vous rendre dans ma boutique pour bois de lutherie. Enfin, si vous ne trouvez pas ce que vous cherchez, n’hésitez pas à me contacter directement afin que je puisse vous fournir les bonnes pièces.
Le classicisme
J’aime évoquer le fait que la famille du violon est issue du courant de pensée classique du XVIIe et XVIIIe siècle. Tout comme les autres arts qui en découlent, un accent est mis sur la recherche de l’équilibre. Non seulement une maîtrise de l’expression, un idéal harmonique, mais aussi une recherche d’ordre et de symétrie. Conformément à ces critères, la lutherie du quatuor classique est née. Après tout, depuis que la sortie du premier violon de l’atelier d’Andrea Amati au XVIe siècle. Les formes, bois et techniques de lutherie utilisés n’ont que très peu évolué.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, un violon pour un musicien classique ne pourra être construit que d’érable et d’épicéa. Il devra ensuite correspondre à une vision très précise. On ne peut en effet pas altérer la forme ou les composants des instruments sans qu’ils perdent leur statut « classique ». Dans le cas où cela se produirait, on parlerait alors « d’instrument en forme de violon ».
Le violon classique est presque intouchable, mais on peut retrouver quelques variations sur les violoncelles et altos. En effet, il n’est pas rare de trouver que des violoncelles se parent d’essences plus communes. Cela permet en effet de pallier à la rareté des planches d’érables aussi grande (et donc au problème de leur coût).
Quant au vilain petit canard du quatuor, l’alto, aucune expérimentation ne semble gêner quiconque. C’est pourquoi celui peut se voir recouvert des essences les plus exotiques et les essais les plus douteux.
En revanche il n’est pas question ici des violons électriques, qui représentent encore un autre univers.
Bois de lutherie
Un bois de lutherie est par définition un bois dont la qualité est suffisante pour la fabrication d’instruments acoustiques. Ceci implique en effet un certain nombre de paramètres spécifiques :
- Une récolte en temps et en heure : le bois doit être récolté à maturité et pendant l’hiver. Du fait que la sève et les nutriments libèrent le tronc pour s’accumuler dans les racines. Ces précautions garantissent alors un bois sain, plus résonnant et résistant dans le temps.
- Un sciage précis : le bois se scie ou se fend dans le sens du fil pour une résistance structurelle optimale. Par ailleurs, cela conserve un reflet symétrique dans le cas de pièces de table ou fond jointées.
- Un séchage naturel : Après leur découpe, les pièces de bois subissent un long séchage naturel. Il est ensuite possible de les travailler une fois stables. Il faut au minimum 5 années de séchage mais la série spéciale KMG comporte des planches de plus de 200 ans d’âge.
- Une densité calculée : La densité du bois doit être prise en compte lors de la réalisation d’un instrument. Nous écarterons en général les pièces trop lourdes, ou trop légères. Mais quoi qu’il en soit, cela nous donnera des informations qui nous permettront de réaliser avec efficacité les épaisseurs finales.
- Les figures : En premier lieu, les pièces sont choisies pour leurs qualités esthétiques. En effet celles-ci vont fournir un impact visuel important et donneront un caractère particulier à l’instrument. Les ondes amples, fines, les détails du bois créent un paysage magnifique qui s’anime et prend vie avec la lumière. Pourvu que le vernis soit réussi.
Le bois de lutherie à Crémone
Si vous voulez connaître l’histoire de l’épopée du bois de lutherie à la grande époque d’Antonio Stradivari et Guarneri Del Gesù. Je vous invite à lire l’article suivant : Le son de venise : le secret des maîtres italiens.
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Les essences et leur emploi
Les essences communes
L’épicéa (picea abies)
L’Épicéa est une espèce d’arbres résineux qui se trouve en abondance dans les massifs alpins ainsi qu’en Europe de l’Est. Il produit un bois plutôt léger qui dispose d’une très bonne rigidité dans sa longueur. Ce sont ces principes qui intéressent les charpentiers tout autant que les fabricants d’instruments.
La principale qualité de ce bois réside dans ses cercles de croissance, une succession de pousses d’été (tendre et légère à la couleur claire) et d’hiver (robuste et rigide à la couleur sombre). Celles-ci s’accumulent de manière concentriques au fil des années. Les arbres poussant dans de bonnes conditions climatiques possèdent des cernes larges. C’est pourquoi on ne les utilise pas en lutherie artisanale. Au contraire les arbres qui poussent dans les rudes régions montagneuses ont une pousse bien plus lente. De ce fait, leur pousse plus équilibrée les rend plus apte à servir comme table d’harmonie. D’ailleurs, le bois de lutherie que l’on trouve aujourd’hui provient du principalement du Jura, des Alpes Italiennes ou Bavaroises.
Un bon épicéa de lutherie doit être exempt de défaut (poche de résine, nœuds, etc…) et posséder des cernes équilibrées. Celles-ci permettront un travail régulier sur la pièce. Il devra également montrer des qualités acoustiques : une bonne rigidité et une densité adéquate. C’est ce qui permettra à une table d’harmonie de vibrer librement sans risquer de s’effondrer sous le poids des cordes. Enfin c’est sur du bois travaillé dans le sens des fibres (après avoir été fendu et non scié) qu’on obtient tout le potentiel acoustique et structurel de l’épicéa.
Les éléments du violon qui sont composés d’épicéa : la table et la barre d’harmonie, l’âme, les blocs et contre-éclisses.
L’érable (acer)
L’érable se trouve sur la majorité des régions tempérées du globe. On le retrouve aussi bien en Europe que dans le nord des États-Unis, ou en Asie dans différentes sous-espèces. C’est pourtant les variétés européennes qui dominent dans la lutherie traditionnelle. L’essence que convoitent les luthiers est l’érable de Bosnie. Celui-ci poussant en effet dans les forêts montagneuses des Balkans. C’est ce bois qui acquit une réputation solide avec les luthiers de Crémone lors de leur âge d’or au XVIIe et XVIIIe.
Même s’il s’agit d’un arbre plutôt répandu, très peu d’entre eux deviendront finalement du bois de lutherie. En effet, outre la densité et le potentiel acoustique, un érable se juge énormément par ses atouts esthétiques. C’est pourquoi seulement ceux possédant des ondes ou flammes intéressantes sont retenus. C’est une particularité génétique que l’on ne retrouve que sur environ un arbre sur huit-cents.
Le violon se fabrique majoritairement en érable, celui-ci se trouve généralement sur : Le fond, les éclisses, le manche et la volute. Le chevalet est lui aussi en érable, mais sa méthode de sélection est pratiquement l’inverse de celle que l’on utilise pour le bois du violon.
Le saule (salix)
Le saule est un arbre qui pousse aisément dans les zones humides ou marécageuses. C’est une essence légère et facile à travailler qui s’utilise pour façonner des blocs et des contre-éclisses à la place de l’épicéa.
Le buis (buxus)
Le buis est un arbuste à la croissance lente que l’on trouve un peu partout en Europe. Il s’utilise principalement pour sculpter les garnitures du violon, telles que : les chevilles, le bouton, le cordier. Il peut également servir pour quelques réparations.
Les essences exotiques
L’ébène (diospyros)
L’ébène est un bois très dense et sombre qui est importé d’Inde, d’Afrique, ou de Madagascar.
Son utilisation a succédé celle de l’érable et de l’os sur les touches et sillet des violons baroques. Cette essence offrait en effet une meilleure résistance l’usure des cordes en métal qui succédèrent aux boyaux.
On retrouve l’ébène notamment sur la touche et les sillets. Mais les chevilles, les boutons et autres accessoires peuvent aussi être façonnés dans cette essence.
Le palissandre (dalbergia)
Le palissandre est une autre variété de bois exotique importée d’Inde, du Brésil ou Madagascar. On l’utilise principalement pour tourner les chevilles, boutons et sculpter les cordiers ou mentonnières.
Les matériaux de lutherie du futur
Depuis quelques années, nous assistons à un renouveau dans les matériaux de lutherie. Il s’agit souvent de matériaux créés par l’homme pour sauvegarder des ressources devenues trop chères ou trop rares. Ainsi nous avons vu l’apparition de faux-ivoire, faux-ébène ou faux-pernambouc dans les ateliers.
Parmi les composites les plus populaires pour le remplacement du bois, il y a le carbone. C’est en effet une matière plutôt simple à mettre en forme, légère et résistante : une sorte de super bois. Sur le papier, la fibre de carbone semble idéal pour une utilisation acoustique en offrant de bonnes performances à un prix réduit. Tellement à vrai dire que sont apparus sur le marché de nombreux instruments et archets en carbone.
D’autre part il est assez facile de nos jours d’avoir accès à de l’ébonite. C’est un substitut à l’ébène tout à fait bluffant, qui peut se sculpter comme l’essence naturelle. Il en va de même pour l’ivoire et l’os de synthèse.
En guise de conclusion, pensez-vous que les matériaux modernes pourront un jour complètement remplacer les essences naturelles telles que nous les connaissons?