Il y a quelques jours, j’ai reçu un e-mail de Milo Stamm, le célèbre fabriquant de chevalets. J’ai trouvé qu’il serait plutôt intéressant de partager cela avec vous et de faire connaître son point de vue sur le sujet. Ce sera l’occasion de découvrir quel est selon lui le secret pour une âme idéale, s’il existe.
Le secret pour une âme idéale par Milo Stamm
Je pense que, et tous les bons luthiers vous diront de même, que chaque instrument peut avoir un son fantastique grâce à un bon réglage. Cela peut sembler un peu simpliste, mais tout peut être arrangé grâce à de bons chevalets et âmes.
Pourtant, je dois dire que l’âme parfaite n’existe pas. En effet, chaque violon, alto ou violoncelle, selon sa personnalité, va nécessiter une âme qui lui est propre :
- Tout d’abord, un diamètre adapté en fonction du besoin mais qui pourra passer à travers les ouïes.
- Ensuite, des anneaux de croissances accordés à la table.
- De même, une densité spécifiquement sélectionnée.
- Enfin, une position exacte déterminée en rapport avec le chevalet.
Quel est le secret pour une âme idéale ?
Les luthiers font une erreur en pensant que seule la position de l’âme fait la différence. Ils répètent sans cesse les gestes enseignés à l’école : “L’âme se place à tant de millimètres derrière le chevalet, et aussi tant de millimètres depuis l’ouïe”. Selon moi, cette façon de penser est dangereusement fausse. Car chaque instrument possède une réponse qui lui est propre. Et il n’y a pas en fait de solution universelle comme les livres pourraient le laisser croire. La position est importante, mais elle n’est pas prépondérante.
C’est pourquoi je dois avouer que les âmes fournies aux ateliers de lutherie m’agacent. En effet, il semble que le seul critère pris en compte soit les anneaux de croissance très rapprochés que l’on trouve sur les arbres montagnards. Personne ne semble alors se soucier des nutriments présents dans le bois ainsi que la résine qu’il contient encore. Toutefois, ces critères affectent la sonorité d’une manière bien plus importante.
Voici les éléments qui sont pour moi nécessairement à prendre en compte.
La pureté du bois
Il y a environ dix ans, j’ai coupé un épicéa que j’ai scié en petits morceaux avant de les noyer sous l’eau pendant trois ans. En particulier durant l’été, l’activité des bactéries nettoie le bois de la présence des résines et autres nutriments contenus par la fibre. Les âmes provenant de ce bois s’avèrent être très légères et sonnent bien mieux que les standards de l’industrie de la facture instrumentale actuelle.
Le diamètre de l’âme
Le diamètre d’une âme détermine si l’on préfère mettre en avant une sonorité plus sombre ou plus claire. Une âme plus épaisse est alors utilisée pour rajouter de la clarté au son, et une plus fine pour créer une sonorité plus sombre. Cela va entièrement dépendre des préférences du musicien.
La correspondance avec la table
Pour aider l’âme à soutenir le timbre de manière optimale, il est nécessaire de trouver une harmonie entre la vibration de cette âme et celle de la table. C’est extrêmement compliqué, c’est pourquoi nous nous concentrons majoritairement sur les caractéristiques externes. La plus évidente est la distance entre les anneaux de croissance. Celle-ci doit correspondre au mieux à la structure de la table, là où l’âme va trouver sa place finale.
Par contre, il n’est pas possible de faire correspondre avec exactitude la densité de l’âme et de la table, c’est pourquoi il faut se baser sur d’autres critères pour créer le son recherché.
La continuité de la fibre
Beaucoup d’âmes sont produites de la même manière que des crayons. C’est-à-dire non seulement sciées mais aussi tournées dans un processus qui détruit la continuité de la fibre, handicapant la vitesse et l’élasticité du son. Les anciens maîtres ne se souciaient pas vraiment de la rondeur de l’âme, ils l’amenaient plutôt au bon diamètre grâce à un simple canif. C’est pourquoi grâce au bois fendu, toutes les fibres d’une même âme étaient les plus longues possibles. Même si elles pouvaient être inconsistantes.
La longueur de l’âme et la tension
Il n’y a pas de longueur idéale pour l’âme. Elle prend place dans un instrument afin de minimiser au maximum la pression sur la table d’harmonie. De cette façon, la capacité vibratoire de cette dernière est exploitée à son plein potentiel. C’est toutefois plus simple pour les luthiers de placer une âme un peu plus longue pour que celle-ci ne tombe pas lorsque ils installent le chevalet et les cordes. Toutefois, une telle âme va exercer trop de tension sur la table et le timbre va devenir automatiquement moins plaisant.
Quel est le secret pour une âme idéale ?
Comme le disait Milo Stamm, il n’y a pas d’âme idéale. Il n’y a en fait pas de solution parfaite qui correspondra à tous les instruments. Chaque situation va nécessiter des matériaux particuliers, les outils et les compétences pour installer une âme qui n’aura nulle autre pareille.
Ce que je trouvais intéressant dans cette lettre, c’était de remettre en perspective tous ces éléments. En plus, il est vrai que l’on reste parfois trop concentré sur les chiffres. Ces mesures et autres principes qui nous éloignent du fait que la vibration prend naissance dans la matière elle même.
Qu’en pensez-vous ?