Lors de mes échanges avec les musiciens, j’ai remarqué que beaucoup d’entre eux ne réalisaient pas le travail qui avait lieu durant la préparation de leur violon. C’est pourquoi j’ai voulu réaliser ce reportage qui vous permettra de mieux comprendre le montage d’un violon et les différentes étapes que cela implique.
Je parlerai ici du voyage qu’effectue le violon entre le moment où il entre dans mon atelier et celui où il est remis au musicien. C’est aussi plus ou moins la méthode que j’applique sur tous les instruments qui passent dans mon atelier et ceux que je vends en ligne.
Comprendre le montage d’un violon
Je ne vais pas vous apprendre dans cet article les gestes et les connaissances qui sont nécessaires à la réalisation de votre propre montage. Toutefois, je vais vous donner les clefs qui vous permettront de comprendre toutes les opérations qui se succèdent entre le moment où un violon entre dans mon atelier et celui où il commence à s’exprimer entre les mains du musicien.
De cette façon vous réaliserez la grande importance qu’a chaque élément qui rentre en compte dans la sonorité, la jouabilité mais aussi l’apparence finale. Et ce n’est qu’en les appréhendant non pas individuellement mais dans leur globalité que l’on peut apprécier le merveilleux mécanisme acoustique qui se met en oeuvre.
Le processus du montage
Le montage peut être défini comme la réalisation d’une série d’opérations qui consiste à installer toutes les pièces permettant à un instrument de bien fonctionner. Un violon que l’on considère comme d’un bon fonctionnement, outre ses caractéristiques personnelles, doit être :
- Facile à jouer au niveau des cordes, notamment avec de bonnes sensations au niveau du manche, de la touche et du sillet.
- Ensuite, celui-ci doit émettre un son pur, non entravé par des vibrations parasites ou des étouffements.
- De plus, l’accordage doit être simple et la tenue stable, même si cela va aussi dépendre du choix des cordes.
- Enfin, ce qui est presque le plus important, le potentiel de sonorité doit être développé à son maximum. Cela ne pourra se faire qu’en utilisant des matériaux de très bonne qualité qui seront précisément disposés, travaillés et affinés le plus possible. Tout ceci afin de permettre aux vibrations de s’exprimer au mieux et d’offrir un timbre riche et puissant.
Ces objectifs ne peuvent être atteints qu’avec une rigueur et une précision qui sont propres au travail du luthier. Je vais vous faire entrer dans l’atelier et vous montrer comment étape après étape je transforme un assemblage de bois en un véritable instrument de musique.
Préparation du violon
Lorsqu’un violon est réceptionné, il est important de vérifier que tout est bien à sa place. Bien sûr qu’il s’agisse d’un instrument neuf ou ancien, aucun d’entre eux n’est à l’abri de légers défauts qu’il faudra s’assurer de faire disparaître. C’est à ce moment qu’il est possible de :
- Premièrement, recoller des joints qui se seraient ouverts, comme c’est souvent le cas au niveau des éclisses. C’est une opération de routine, mais il vaut mieux s’assurer de la réaliser au plus vite.
- Ensuite, il faut se débarrasser des imperfections de surface éventuelles, comme des morceaux de liège collés sur le vernis, un surplus de vernis dans les ouïes ou des agglomérats.
- Bien sûr, sur les instruments anciens il y aura peut-être des réparations plus importantes à réaliser. Mais je vais occulter ce cas particulier pour me concentrer uniquement sur le montage des instruments en bon état.
Les chevilles
Tout d’abord, il faut vérifier que les chevilles ne sont pas déformées puis les faire correspondre correctement avec les perces du chevillier.
Les alésages sont délicatement réalisés à l’aide d’une lousse conique pour nettoyer les surfaces de contact. Les chevilles doivent se placer à une distance très précise de la paroi.
Très importantes pour les musiciens, les chevilles doivent parfaitement adhérer au chevillier. Mais pas trop non plus… C’est de trouver cet équilibre qui peut demander du temps et de la pratique.
Le bouton
Le bouton doit se loger parfaitement dans sa perce, bien au fond et sans mouvement. Il faut également s’assurer de finir l’intérieur et ne pas laisser une extrémité disgracieuse, même si elle n’est pas visible de l’extérieur.
Le sillet du bas
Pour finir la préparation de l’instrument, il est important de ne pas oublier le sillet. En effet, il n’est pas rare de constater que celui-ci a été négligé par des artisans trop pressés.
Même si le fait qu’il soit moche n’ait pas réellement d’incidence, d’autant plus qu’il est souvent caché sous une mentonnière. Il a pourtant une importance significative sur la tension des cordes et donc sur la sonorité finale.
C’est pourquoi il convient de contrôler sa hauteur, sa forme mais aussi de le façonner de manière harmonieuse. Ne serait-ce que pour lui rendre le mérite qui lui est dû.
La touche
La touche est avant tout un endroit crucial pour la jouabilité et le confort du jeu d’un violon. C’est aussi là que les doigts se meuvent avec agilité afin de viser des notes toujours plus justes et expressives. C’est pourquoi cette piste de danse ne doit présenter aucun défaut, et en aucun cas entraver la mobilité des cordes, ce qui nuirait à la pureté du son.
Tout d’abord, la touche est généralement faite dans une essence sensible à l’humidité (l’ébène), de plus possède une forme relativement complexe. C’est pourquoi, même si elle a été un jour mise en forme, même avec précision, un simple voyage exposé aux éléments peut déformer sa surface.
Il est nécessaire de s’assurer de certains facteurs
- Premièrement, la projection de la touche sur la table va déterminer la hauteur finale du chevalet et donc la tension que vont exercer les cordes sur l’instrument. En s’éloignant trop de la mesure acceptée comme standard, cela va poser de sérieux problèmes de sonorité. Il n’est pas vraiment possible de corriger de manière importante cette mesure en reformant la surface de la touche mais il est tout de même important de la garder à l’esprit et surtout de la vérifier.
- Deuxièmement, il est important de vérifier que la touche ait une bonne “poiriette” (ou n’en possède pas). Il s’agit en fait de la bascule de la touche qui permet de compenser la différence de diamètre des cordes et d’écarter les coups d’archet du “C”.
- La courbe supérieure doit correspondre à celle qui va se retrouver sur le chevalet. C’est pourquoi des gabarits existent pour s’assurer que ces formes concordent bien. Une touche n’est pas un tube et je dirais même plus que les valeurs de la courbe doivent évoluer sur toute la longueur : plus ronde vers le sillet et plus plat vers le chevalet.
Contrôler le manche et le corriger
Parfois, le manche n’a pas une forme adaptée. Il peut être parsemé de bosses ou tout simplement trop épais, de plus, il n’est peut-être pas niveau avec la touche, ce qui peut être désagréable sous la main. C’est pourquoi il peut être intéressant de le corriger avant de s’occuper de la touche. Quitte à revenir plus tard pour que le manche, la touche et le sillet ne fasse plus qu’un.
La mise en forme de la touche
Le rabot de paume s’utilise en premier lieu pour mettre en forme la touche. C’est avec lui que l’on peut contrôler le plus facilement les différents paramètres qui nous intéressent.
Sur les photographies ci-dessus, j’ai d’abord peint la surface de la touche en bleu. Ce n’est pas quelque chose que je fais habituellement, mais uniquement pour la prise de ces photos. Cela permet en fait de rendre plus évident les creux et les bosses qui apparaissent sous les passes du rabot.
Ainsi vous pouvez observer qu’il y a une surface convexe relativement importante qui apparaît sur la partie haute de la touche. Il faut absolument s’en débarrasser pour permettre aux cordes de vibrer sans entraves.
Comme vous le constatez, il y a de nombreux paramètres à prendre en compte pour réussir une touche. Elle doit premièrement permettre d’atteindre les notes justes sans créer d’interférences avec la corde. En plus, elle doit aussi permettre une bonne jouabilité et un confort d’exécution. Enfin, cette forme doit prendre en compte la future courbe du chevalet.
Le polissage de la touche
Une fois que la forme finale de la touche est atteinte, il faut en polir la surface. En effet, même si cela ne change peut-être pas grand chose mécaniquement. Il est toujours plus confortable (et esthétique) d’avoir un belle touche bien polie. En plus, le fait d’avoir une surface proche du miroir offre à mon sens une durabilité plus importante.
Pour parvenir à ce résultat, j’utilise une dizaine d’abrasifs différents. Premièrement assez agressif pour se débarrasser de toutes les facettes laissées par le rabot, la finesse est obtenue petit à petit. Pour finir, j’utilise un abrasif minéral en poudre, très fin qui permet d’atteindre un poli miroir en plus de boucher les pores du bois.
La mise en forme du sillet et finition
Le sillet sert avant tout à espacer les cordes, les surélever au dessus de la touche et à les guider dans le chevillier. C’est une pièce importante qui ne doit pas être négligée. Celle-ci va en effet affecter non seulement le confort et la réponse des cordes dans les premières positions. D’autre part, la douceur de ses courbes va aussi influencer la durée de vie de vos cordes.
Comme je l’ai mentionné précédemment, le sillet, la touche et le manche ne doivent faire qu’un pour fournir le meilleur confort possible. C’est un point qui me tient particulièrement à cœur. Au final, les doigts ne doivent ressentir aucun entrave, aucune accroche potentielle, aucune arrête, la touche doit être une véritable autoroute.
Si vous comparez les photos ci-dessus avec votre violon actuel, quelles différences percevez-vous ?
L’âme et le chevalet d’un violon
La touche, le manche et le sillet ont besoin d’être façonnés avec attention pour fournir un bon confort de jeu. Toutefois ils n’ont pas vraiment d’incidence directe sur la sonorité de l’instrument (on ne peut pas dire qu’ils n’en ont pas). Quant à l’âme et au chevalet, nous rentrons dans le vif du sujet en ce qui concerne la création et le contrôle du son. C’est pourquoi la mise en forme de ces deux petits morceaux de bois est d’une importance capitale. C’est aussi un travail de longue haleine qui exige une extrême minutie.
La position de l’âme et du chevalet
En fait, la position de l’âme et du chevalet sont intimement liées. C’est pourquoi ces deux éléments sont indissociables et doivent être considérés en même temps pour véritablement comprendre le montage d’un violon.
Tout d’abord, j’évalue la position exacte du chevalet. Celle-ci doit prendre en compte :
- Premièrement, la longueur vibrante des cordes. Si le violon est bien construit, le chevalet se place au centre de la ligne imaginaire tracée entre les encoches des ouïes.
- Ensuite, l’alignement avec la touche, le chevalet doit se trouver idéalement dans son prolongement.
- Il doit également bien se positionner par rapport à la barre d’harmonie qui se trouve normalement sous le pied du côté grave de l’instrument.
- Enfin, il faut s’arranger pour tous ces éléments concordent, et si nécessaire, faire des compromis.
Une fois que je suis content de la position de mon chevalet, je marque exactement l’endroit où il va se trouver. Cela sera très important pour toute la suite du montage.
Lorsque la position finale du chevalet est identifiée, celui-ci peut être laissé de côté et il est temps de s’intéresser à la suite. En fait, de manière assez standard, l’âme se positionne à une place très précise derrière le pied des aigus, quelques millimètres en retrait et à l’intérieur. Cela donnera un point de départ qui permettra par la suite d’effectuer des réglages plus précis.
La taille de l’âme
La grande difficulté de l’âme est qu’elle doit être parfaitement ajustée, au dixième de millimètre près, à un endroit très inaccessible de l’instrument : dans la caisse de résonance.
Pour l’atteindre, il n’y a pas d’autre solution que de passer à travers les ouïes du violon. Pour cela, il existe des outils spécialement dédiés à cette tâche : les pointes aux âmes.
Mais avant de l’installation, il faut déjà choisir le bois qui va remplir parfaitement la fonction d’âme. Personnellement, je ne me satisfais que de baguettes d’épicéa fendues et sélectionnées spécialement pour transmettre les vibrations.
La première étape est de connaître la taille approximative de l’âme en mesurant l’intérieur de l’instrument ou en se servant d’âmes déjà utilisées. Ensuite, il s’agit de tâtonner pour avancer pas à pas vers la position, la tension, et l’angle idéal.
Il est vraiment très important que les surfaces soient parfaitement en contact sur la table comme sur le fond. Non seulement l’âme sera plus stable mais elle remplira de cette manière parfaitement son rôle, celui de soutenir la voûte et de transmettre la vibration.
La taille du chevalet
Bien que je n’aie pas la prétention de faire un tutoriel complet sur la réalisation d’un chevalet. J’ai tout de même envie de vous faire comprendre le montage d’un violon et en particulier celui du chevalet.
- Premièrement, il faut que les pieds du chevalet soient parfaitement en contact avec la surface du violon. En plus, ceux-ci détermineront aussi l’angle d’appui du chevalet qui doit être visuellement proche de l’angle droit par rapport à la table.
- Une fois que ceux-ci sont terminés, la courbe supérieure du chevalet doit-être dessinée puis découpée sur mesure en fonction de la projection de la touche. C’est ainsi que l’on définit la hauteur des cordes.
- Après que les parties hautes et basses du chevalet sont fixées, il est temps de finir la mise à l’épaisseur. En fait, il s’agit du sculpter une légère courbe sur la face avant (côté touche) tout en affinant au maximum le côté qui va recevoir les cordes.
- Le chevalet pourrait surement être utilisé à ce moment là, cela marcherait mécaniquement. Toutefois, il y a encore de nombreux travaux de finition. Ceux-ci permettront non seulement de travailler le son, mais aussi le caractère esthétique du chevalet.
- Enfin, les passages de cordes sont mesurés et limés. Personnellement, j’utilise ensuite un morceau de parchemin pour soutenir la corde de Mi et je lubrifie ensuite les points de contacts avec un crayons de graphite 9B.
Comme pour l’âme la sélection du chevalet est très importante. Il faut non seulement un bois exempt de défaut et dont les fibres sont parfaitement droites, mais en plus sa densité aura une importance significative sur le rendu final. Bien sûr, toutes les étapes que je vous ai présentées précédemment sont elles aussi cruciales dans le résultat.
Monter le cordier et les cordes
Lorsque tous les éléments précédents sont terminés, il ne reste plus qu’à installer les cordes. Toutefois, il faut aussi prendre en compte le cordier et les ajusteurs éventuels. Comme j’avais réalisé dans le passé un dossier complet sur cette pièce fascinante. Je vous propose de continuer votre lecture avec cet article qui résume avec précision l’installation d’un cordier.
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Comprendre le montage d’un violon et ses réglages
Nous touchons à la fin du montage de l’instrument. Toutefois, les réglages peuvent prendre un certain temps qui vont impliquer parfois le démontage et le remontage complet. Il faut en effet s’assurer que tout soit en place et fonctionne bien.
De plus, il est préférable de laisser l’instrument sous tension quelques temps avant de régler les derniers détails. En fait, vu la tension impressionnante des cordes, le bois subira indubitablement des mouvements. C’est pourquoi après le premier accordage il faudra attendre quelques temps avant d’affiner les réglages.
Enfin, lorsqu’il n’y a plus de raison de manipuler le violon : C’est le moment de passager au polissage et au nettoyage final.
Comprendre le montage d’un violon et le temps que cela implique
En fait, si je voulais partager avec vous le déroulement complet d’une séance de montage, c’est pour mieux vous faire comprendre ce que cela implique. En effet, pour réaliser un bon montage complet cela peut prendre une journée complète, voire d’avantage. Tout du moins d’un point de vu professionnel. Il est aussi possible de faire des compromis et réduire drastiquement ce temps. Il est possible de n’aller qu’à l’essentiel et réduire la qualité du montage au profit de la rapidité de production. C’est ce que vous retrouvez sur les violons les plus abordables.
Les montages des altos et des violoncelles
Les altos et les violoncelles sont montés d’une manière très similaire aux violons. La principale différence sera bien évidemment celle de la taille.
Comprendre le montage d’un violon pendant un stage
Peut-être que vous aviez toujours aimé apprendre comment réaliser un vrai montage sur un violon. Même si vous avez suivi des études de lutherie dans une des grandes écoles, il est possible que vous manquiez encore d’expérience. Il est vrai que c’est un sujet que l’on n’aborde pas vraiment dans ces établissements. Pourtant c’est quand même la compétence de base que l’on demande dans un atelier de lutherie. C’est pourquoi comprendre le montage d’un violon, d’un alto et d’un violoncelle est primordial pour trouver un emploi.
C’est en comprenant les besoins des stagiaires que j’ai pu recevoir dans mon atelier que j’ai décidé de créer des formations spéciales sur le montage des instruments. Je vous invite donc à me contacter pour en savoir plus sur la formation “comprendre le montage d’un violon”.